Cérémonie de remise du prix littéraire Pittard de l'Andelyn 2024
Le 30 avril 2024, la Maison de Rousseau et de la Littérature accueillait la remise du prix 2024 à Jérémie Gindre pour son recueil de nouvelles « Tombola ». Une soirée en présence de Donatella Bernardi, directrice de la MRL, de Jacques Berchtold et de Stéphane Dubois-dit-Bonclaude, ancien et futur présidents de la Fondation qui se sont passés le témoin à cette occasion, enfin de Caroline Coutau, directrice de la maison d’éditions Zoé.
Avant la laudatio du nouveau président, Lisbeth Koutchoumoff Arman a rendu hommage avec beaucoup de sensibilité à Véronique Rossier, membre éminente du comité dont tous les membres étaient présents.
Ensuite Stéphane Dubois-dit-Bonclaude a présenté l’ouvrage primé. Ses mots sont reproduits ci-après.
« L’enveloppe est belle. Papier doux au toucher, illustration de couverture énigmatique, faussement rassurante, c’est la reproduction d’une œuvre de Caroline Bachmann.
En quatrième de couverture, la présentation de l’auteur le décrit comme un esprit ingénieux aussi il n’est pas étonnant que dans le texte qui précède quelques clés nous soient déjà livrées : surprise, tension, accident ou ravissement.
Surprise, oui. Le prix Pittard de l’Andelyn 2024 a été décerné à l’unanimité mais la nouvelle littéraire nourrit toujours le débat entre ses adeptes et ceux qui préfèrent le temps long du roman.
La définition communément admise de « la nouvelle littéraire est : un bref récit fictif faisant appel à la réalité et qui, la plupart du temps, ne comporte pas de situation finale. Généralement, elle se termine avec un dénouement inattendu qu'on appelle la chute. »
« Tombola » répond fidèlement à ces critères mais se situe au-delà de la brièveté des récits et de la concision des situations évoquées, la temporalité est fluide mais extrêmement resserrée, laissant toujours planer une ombre discrète, presque une menace, favorisant ici un déséquilibre, là une rupture, créant ainsi un véritable suspens pour chaque nouvelle.
Ressentir ces intentions narratives très élaborées n’est pas simple au premier abord tant l’écriture de Jérémie Gindre joue sur un caractère que je définirais de néo-classique. Limpide, précise, en tension, on peut l’imaginer telle une architecture dépouillée de ses moindres ornements, chaque mot est à sa place, intégré aux ressorts de l’intrigue. Le dessein (entendez-le des deux manières) littéraire de ces récits pourrait encore évoquer un terme communément employé pour la bande dessinée : la ligne claire.
Je le répète, Jérémie Gindre est présenté comme un esprit ingénieux et ses nouvelles sollicitent la surprise, les tensions, les accidents, le ravissement.
Apparait alors en filigrane pour le lecteur, cette ligne claire, ces mystérieux dessins, observés dans d’antiques manuels, séquencés en quelques figures et qui nous démontrent comment réaliser les plus fameux nœuds marins, ou encore ceux des prestidigitateurs, sans que jamais, malgré toute la bonne volonté du néophyte, l’amateur réussisse du premier coup. Peut-être qu’aujourd’hui, les tutoriels fleurissant sur le net, souvent désopilants, remplacent habilement les images anciennes, mais ces dernières relevaient du mystère, deux mains anonymes tressaient ou nouaient dans l’espace de la feuille blanche des arabesques délicieuses qui évoquaient également les plus infâmes façons d’entraver une proie. Heureusement, le dénouement arrivait, le nœud coulant s’effaçant dans la ligne tendue d’un unique cordon tout comme les chutes des récits de Jérémie Gindre. Averses ou orages sont traversés sans crainte, l’instabilité des conditions météorologiques conduisant lecteurs et lectrices vers un arc-en-ciel fragile, éphémère, illusoire.
J’achèverais cette brève présentation par les quatre dernières lignes d’une nouvelle dont je vous laisse - à la lecture du recueil - le plaisir de découvrir le titre et le sujet. Ces lignes symbolisent ce que j’ai tenté d’exprimer au sujet de « TOMBOLA ». Le seul indice, l’action se déroule à Castelrigg, en Angleterre, un cercle de pierres levées destiné - vraisemblablement - aux rituels druidiques de l’âge du bronze.
Pendant ce temps, le soleil poursuit sa courbe et les ombres des pierres, comme des marionnettes, obéissent à son mouvement. Tracent leur orbite sur la prairie. Avec les saisons s’allongent, raccourcissent. Immobile, la roue tourne.
Le Cercle du passé & des gens présents. »
Au terme de cette laudatio, Jérémie Gindre a répondu avec un message tonique digne du cycliste chevronné qu’il est. Humour, ténacité, esprit d’équipe pour conclure une cérémonie au cœur de laquelle la littérature avait la vigueur d’une course en montagne !