Hommage
Véronique Rossier, le goût des livres jusqu’au bout !
La Jurassienne a fait de sa librairie genevoise un havre pour les littératures d’ici et d’ailleurs. Elle s’est éteinte le 27 mars 2024, à 57 ans.
Véronique Rossier était intense avec discrétion, déterminée avec élégance, engagée toujours et jusqu’au bout dans la cause de sa vie: la transmission du goût des livres, de la lecture et de la littérature. Elle avait fait de sa librairie Nouvelles Pages à Carouge (Genève), un havre ouvert sur les littératures d’ici et du monde, un point de ralliement pour lecteurs curieux, prêts à se laisser surprendre. Un pôle aussi pour les écrivains de Suisse et de Navarre, de toute la francophonie, qu’elle invitait pour des soirées de lecture mémorables. Véronique Rossier s’est éteinte, à 57 ans, dans la nuit du 27 mars, des suites d’une longue maladie.
Son amour pour la littérature venait d’une conviction profonde: lire ouvre à la liberté, donne le droit de devenir soi-même. Oui, la littérature sauve, disait-elle avec calme. Enfant, elle s’était vite sentie à l’étroit devant les lectures recommandées aux jeunes filles par la bibliothèque paroissiale de Boncourt dans le Jura des années 1970 et 1980. Elle trouve des échappées, devient celle qui lit tout le temps.
Alors que le métier de libraire lui paraissait «inaccessible», c’est sa sœur aînée qui lui donne la force de tenter sa chance et de braver les railleries. Devenue apprentie à la librairie Reymond à Delémont, elle y rencontre Nicole Brosy (actuelle patronne de Page d’encre) qui sera sa formatrice et lui procurera le modèle de femme indépendante qu’elle recherchait.
Installée à Genève, devenue mère de deux fils, Simon et David, Véronique Rossier pousse par curiosité la porte de la librairie L’Inédite, enseigne féministe historique, ouverte en 1979, 15, rue Saint-Joseph à Carouge. Elle y travaillera huit ans. Quand L’Inédite ferme en 2009, Véronique Rossier pressent que ce lieu dévolu aux livres peut perdurer en devenant généraliste. Elle crée Nouvelles Pages et démontre rapidement qu’elle avait vu juste.
Très attentive à la littérature qui s’écrit en Suisse, elle met un point d’honneur à être curieuse des nouveaux talents qu’elle invite souvent dans son espace de 45 mètres carrés. Le nombre de rencontres d’auteurs en quinze ans est impressionnant. De Catherine Safonoff à Aude Seigne, de Gaëlle Josse à Jérémie Gindre, de Martin Winkler à Joël Dicker, de Claudie Gallay à Wilfried N’Sondé, tous et beaucoup d’autres sont passés par la rue Saint-Joseph.
Membre puis présidente du Cercle de la librairie et de l’édition à Genève, présidente des libraires au sein de Livre Suisse, Véronique Rossier n’a eu de cesse de mettre sa ténacité et sa force de travail au service du livre en Suisse romande. Elle a trouvé en Véronique Gendre et Elise Pernet, libraires passionnées comme elle, les personnes idéales pour poursuivre la belle histoire de Nouvelles Pages. Véronique Rossier avait les yeux qui brillaient quand elle parlait d’un livre qu’elle aimait, quand elle préparait un de ses nombreux voyages en Inde, quand elle partait en randonnée à travers la Suisse sur les traces d’Elisée Reclus. Cet éclat-là, cette joie maintenue avec détermination jusqu’au bout, ne nous quitte pas.
Lisbeth Koutchoumoff Arman, hommage paru dans le journal Le Temps.